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Analyse du livre La fabrique des pandémies de Marie-Monique Robin

Je suis enseignant de Sciences Économiques et Sociales depuis plus de 25 ans maintenant. Cela ne me donne aucune légitimité pour aborder les questions de fond sur la Covid. Je n’ai pas de compétences médicales particulières. Par contre à la lecture de La fabrique des pandémies (1), écrit par Marie-Monique Robin qui s’est fait connaître du grand public notamment avec le document Le monde selon Monsanto (2) j’ai compris que je tenais quelque chose d’important que je devais partager.

Nous sentons que la question du Covid se traite dans l’urgence pour trouver une parade médicale à ce virus, le Sars-Cov-2. Cependant nous restons trop souvent sur notre faim lorsqu’il s’agit de comprendre le processus qui a permis cette pandémie. Quelle sont les évolutions structurelles de la société qui facilitent la propagation de virus qui se transmettent de l’animal à l’homme ? La réponse à cette question nous amènera à remettre en cause le capitalisme prédateur. En effet, il faut s’interroger sur l’érosion de la biodiversité. Ainsi que sur les menaces que fait peser l’homo sapiens sur les espèces animales et l’environnement biologique. Les sociétés traditionnelles ont alors beaucoup à nous apprendre.

Des pandémies qui s’accélèrent

La maladie dénommée Covid, dont le virus est le Sars-Cov-2 , fait suite malheureusement à plusieurs cas de virus qui se transmettent à l’homme depuis quarante ans. On reprendra dans l’ordre chronologique, la fièvre hémorragique  Ebola, du nom de la rivière Ebola du Congo. C’est là qu’ont été observé les premiers cas de cette maladie effrayante avec un taux de létalité de plus de 50% et jusqu’à 90% dans cette région africaine. Le VIH , le virus du Sida avec plus de 32 millions de morts à l’heure actuelle qui a fait son apparition fracassante en Californie en 1981.

En 2003 c’est le SRAS, une infection respiratoire causée par un coronavirus. Parti de Chine, la pandémie se généralisa dans une douzaine de pays. En 2004 est apparue la grippe aviaire H5N1 en Asie. Pour éradiquer la maladie qui contaminait notamment les élevages de volailles puis les humains, on a abattu 140 millions de poulets. En 2009-2010 c’est la grippe porcine AH1N1 qui a fait selon les estimations larges entre 150 000 et 500 000 morts. J’oublie de mentionner toutes les maladies virales transmises à l’homme via les moustiques. On signalera notamment la dengue, le virus Zika, le chikungunya ou le paludisme qui tue actuellement environ 450 000 personnes par an.

Alors tu vas me dire, qu’autrefois il y avait la peste arrivée d’Asie en 1347 qui a fait des ravages en Europe sur plusieurs siècles. Plus près de nous, entre 1918 et 1920,  la grippe mal nommée ‘espagnole’ aurait causé sans doute plus de 50 millions de mort. Autrement dit plus de morts que la première guerre mondiale qui fut pourtant une boucherie. Les zoonoses, maladies transmises à l’Homme par les animaux ne sont pas nouvelles. C’est le cycle naturel et l’homo sapiens est alors un animal comme un autre qui est exposé aux réservoirs qui transmettent les pathogènes . Sauf que, comme nous le rappelle Patrick Berche (3) on constate une accélération des pandémies depuis la fin du XIXe, pour des raisons démographiques, économiques et sociales.

Une biodiversité en danger

Le transfert de plus en plus rapide de virus, bactéries, parasites entre les animaux et les humains, n’est pas lié au hasard. La pression des humains sur l’environnement est en cause. La démographie galopante dans certaines régions du monde, mettent de plus en plus en contact les humains avec des zones reculées. C’est le cas notamment dans plusieurs pays d’Afrique où le taux de natalité et l’accroissement naturel sont élevés. Les contacts entre les animaux sauvages et l’humain se multiplient et accélèrent la transmission.

Donc l’urbanisation et aussi les nouvelles voies de communication qui traversent des zones sauvage provoquent ce qu’on appelle le stress animal. Les chauves souris notamment vecteurs de nombreux virus fuient leurs zones déstabilisées. Elles transportent alors des virus qui ne sont plus dilués dans un environnement biologique varié. De plus, la monoculture intensive qui nécessite toujours plus de terres agricoles aggrave la déforestation (4). C’est l’huile de palme en Indonésie, le soja transgénique au Brésil pour nourrir les animaux d’élevage. Les énormes incendies de la forêt amazonienne provoqués par les grands propriétaires des latifundia avec la ‘bénédiction’ du président criminel Bolsonaro, sont un des pires exemples de la déforestation.

De plus, les élevages intensifs qui sont parfois à la lisière des zones sauvages, sont des amplificateurs de la propagation des virus pathogènes. Autre chose : le changement climatique créé par l’humain, déstabilise les animaux qui quittent leurs zones naturelles et augmentent alors les contacts avec les élevages intensifs et les humains. Enfin, il faut rappeler que les pandémies qui se multiplient ne pourraient pas se propager sans la mondialisation. Les virus circulent car le commerce et les échanges sont toujours plus étroits entre les différentes parties du monde

Le manque de biodiversité provoque les pandémies

Ce qui est intéressant avec l’ouvrage de Marie-Monique Robin, c’est que l’interview de plus de 60 scientifiques, permet de donner une rigueur scientifique à tous ces mécanismes, Des virologues, des biologistes, des vétérinaires mais aussi des anthropologues ou des économistes ont montré à travers des modèles, des expériences, des comparaisons, que le respect de la biodiversité nous protège. On retrouve ainsi l’effet dilution qui est une théorie permettant de comprendre pourquoi la biodiversité nous protège.

Pour le dire simplement, je dois rappeler que l’on peut considérer deux types d’espèces. D’un côté on a les animaux spécialistes qui sont liés à un type d’environnement avec des conditions très spécifiques. De l’autre, les espèces généralistes, comme les rats, qui s’adaptent au changement. Or lorsque l’humain modifie l’environnement il fait disparaître avant tout les espèces spécialistes. Elles sont alors remplacées par des espèces généralistes. C’est tout le problème, puisque les moustiques par exemple porteur d’un virus, piqueront avec une plus grande proportion des espèces généralistes proches des humains. Cela conduit donc à l’apparition de zoonoses plus fréquentes. A contrario lorsque la biodiversité est présente, les virus qui affectent un ensemble varié  d’animaux, se diluent dans la masse.

Des peuples traditionnels plus sages que nous

Avec le système capitaliste actuel  plus ou moins régulé selon les régions, le court terme prime sur le long terme. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que lorsque nous prenons comme exemple les peuples traditionnels, nous changeons de logiciel. Le long terme prime alors sur le court terme. L’être humain n’est qu’un des maillons de la chaîne naturelle. Il se doit donc de respecter son environnement. Cela passe par les rites, les croyances religieuses, les superstitions des peuples traditionnels. Cela peut faire rire les personnes rationnels . C’est pourtant porteur d’une sagesse que nous n’avions même pas entraperçu jusqu’à maintenant.

Les peuples primaires ont ainsi de réelles connaissances sur les vertus médicinales des plantes. Les indiens d’Amazonie, comme beaucoup d’indiens appelés Peau-Rouge, se servent du fruit Urukum qui est coloré pour se protéger des moustiques. D’où le nom Peau Rouge (5). De fait, ils se protègent des virus et parasites dont sont porteurs les moustiques. Autre exemple; en Ouganda, les Batooros considèrent les chimpanzés comme leurs ancêtres. Ainsi les populations locales utilisent les mêmes plantes que les chimpanzés (6). En Colombie les Kogis, environ 9000 personnes, vivent dans les montagnes , la Sierra Nevada de Santa Marta. Ils se considèrent comme les ‘gardiens de la terre’. Les chamanes de ce peuple ont connaissance des ‘principe de la vie’ permettant de respecter la Terre. Ils repèrent ainsi les ‘lieux où la terre est vivante et où la terre est morte’ (7).

Nous pouvons alors faire deux remarques. Les connaissance sur le ‘savoir écologique traditionnel’ comme le nomme les anthropologues, sont transmises entre génération par la langue vernaculaire. Si celle-ci disparait, nous perdons les connaissances et les savoirs. Deuxième remarque; les peuples primaires donnent une grande importance aux anciens qui ‘ont la connaissance’. De nombreuses croyances et principes de vie insistent sur le respect que l’on doit leur apporter. Dans nos sociétés dites modernes, ont parquent au contraire nos ‘anciens’ dans les Ehpad.

En guise de conclusion

Il existe un lien étroit entre la Covid19 et le non respect de la biodiversité. Plus nous fragmenterons les forêts, plus nous saccagerons les zones sauvages et plus nous nous exposons à de nouvelles zoonoses. Un changement radical s’impose.

Philippe Herry professeur de SES au lycée de Valence Espagne

Notes :

(1)  Robin Marie-Monique avec la collaboration de Serge Morand, La fabrique des pandémies, préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire, La Découverte,2021, 325 pages

(2) Le monde selon Monsanto , 2008, https://www.youtube.com/watch?v=cVngG592xKU

interview de Marie-Monique Robin https://www.youtube.com/watch?v=FAzt-ZdVemM

(3) Patrick Berche Faut-il encore avoir peur de la grippe ? Histoire des pandémies, Odile Jacob, 2012,

(4) classement des pays selon l’évolution des surfaces forestères

(5) https://www.peuplesamerindiens.com/pages/termes-et-origine/le-terme-peaux-rouges.html

(6) page 293 La fabrique des pandémies

(7) page 296 La fabrique des pandémies

Autres sources :

sur le sida : https://jpmartel.quebec/tag/jacques-pepin/

article du New york times du 28/01/2020

le site ProMed pour la surveillance des maladies infectieuses

https://www.letemps.ch/opinions/prochaine-pandemie-previsible-temps-prendre-serieux-crise-ecologique

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